« … Le Lebrijano, merveilleux chanteur, créateur
de la Debla, disait : “Les jours où je chante avec du
duende, je ne crains personne” ; et la vieille danseuse
gitane La Malena, un jour où elle entendait jouer un
fragment de Bach par Brailowsky, s’exclama : “Olé ! Là,
il y a du duende !” Ensuite, elle s’ennuya avec Gluck,
avec Brahms et avec Darius Milhaud. Et Manuel
Torres, – je n’ai connu aucun homme avec autant de
culture dans le sang – dit, en écoutant Manuel de Falla
jouer lui-même son Nocturne du Generalife, cette
phrase splendide : “Tout ce qui a des sonorités noires a
du duende”. Et il n’y a rien de plus vrai.
Ces sonorités noires sont le mystère, les racines qui
s’enfoncent dans le limon que nous connaissons tous,
que nous ignorons tous, mais d’où nous parvient ce qui
est la substance de l’art. Sonorités noires, a dit l’homme
du peuple espagnol, et là, il rejoint Goethe qui
donne la définition du duende à propos de Paganini :
“Pouvoir mystérieux que chacun ressent et qu’aucun
philosophe ne peut expliquer”. »